Alors que les pays scandinaves la pratiquent depuis de longues années et que l’Espagne la met à l’essai, la semaine des 4 jours - autrefois vue comme une utopie par les Français - s’invite enfin dans le débat sur nos modes de travail. Comment fonctionne cette nouvelle organisation ? Que change-t-elle au quotidien ? Cet aménagement du temps de travail est-il une opportunité de se réinventer après une crise majeure ou un simple phénomène de mode ? On vous explique tout.
5 jours de travail, deux de repos hebdomadaire. Tel est le rythme de travail dans la plupart des pays du monde. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. La semaine de 5 jours est l’un des héritages d’Henry Ford qui, à l’époque, déclarait : “les hommes reviennent, après deux jours de repos, frais et dispos. Ils sont capables de mettre leur esprit ainsi que leurs mains immédiatement au travail”. Depuis, elle s’est démocratisée un peu partout, jusqu’à devenir la norme. Jusqu’à peu. Si les premières tentatives de discussions remontent aux années 1990, portées notamment par le comité Roosevelt, il faut attendre les années 2010 pour que le sujet se retrouve sous le feu des projecteurs.
L’objectif affiché : travailler 4 jours pour 3 jours de repos. Une manière d’augmenter la productivité des salariés, d’améliorer leur bien-être au travail et, pour les entreprises, d’être plus attractives aux yeux des futures recrues.
Mettre en place la semaine de 4 jours ne se fait pas du jour au lendemain ! Cela nécessite une certaine organisation et un changement dans la culture d’entreprise. Zoom sur quelques exemples d’organismes ayant passé le cap.
C’est en juin 2022 que démarre, sur les chapeaux de roues, l’expérimentation de la semaine de 4 jours à grande échelle. Nom de code : UK’s 4 Day Week. 70 entreprises s’engagent à tester ce nouveau rythme de travail jusqu’à février 2023. 6 mois à la semaine de 4 jours qui ont suffi à conquérir le cœur des entreprises britanniques : 92% d’entre elles annoncent vouloir l’implémenter de manière durable dans leur organisation.
“On se sent plus jeune, moins crevé. On s’organise mieux dans sa vie, on arrive à faire tout ce qu’on voulait faire jusque-là. Faire du tri chez soi, nettoyer les sols, tous ces trucs qu’on reportait à chaque fois au lendemain. À la clé, c’est davantage de temps pour soi, et ça devient vite une seconde nature.” déclare Gary Conroy, directeur et fondateur de Squirrels, entreprise ayant participé à l’initiative.
Alors que le Japon est connu pour sa culture des heures supplémentaires (donnant même naissance au terme “karoshi”, littéralement “mort par surmenage”), le géant de la tech Microsoft a testé en août 2019 la semaine de 4 jours pour l’ensemble de ses 2300 employés. Un véritable succès : à la fin de la période estivale, 92% des employés affirmaient préférer ce nouveau rythme. Au-delà du bien-être collaborateur, la firme de Bill Gates a également annoncé avoir réduit sa consommation d'électricité de 23%, de papier de 60% quand sa productivité, elle, a augmenté de 39,9%.
En France aussi les entreprises sautent le pas. C’est par exemple le cas de Pimpant, distributeur de produits rechargeables. Chez eux, pas de baisse de la durée de travail mais son optimisation. Concrètement, on ne travaille pas plus, mais mieux ; en supprimant les réunions intempestives connues pour être, de toute manière, contre-productives.
Autre success story, méthode différente : Structura, fabricant de mobilier de bureau. “On a augmenté de 30 minutes la durée des 4 jours travaillés. À l’issue de la consultation des collaborateurs, nous sommes arrivés à la conclusion que chaque service devait décider, en autonomie, de prolonger sa journée soit le matin, soit le soir.” explique Christophe Dullin le directeur général.
Dans la fonction publique, la semaine de 4 jours commence également à prendre sa place. La mairie de Neuilly-sur-Marne (94), la communauté de communes du terroir de Caux (78) ou encore la métropole lyonnaise proposent depuis peu à leurs agents de répartir leurs heures travaillées sur 5 ou 4 jours.
Toute rose la semaine de 4 jours ? S’il y a de belles histoires, ce n’est pas automatique.
Forts de ces exemples, nos voisins Belges ont à leur tour pris la décision de se lancer dans l’aventure. Le 21 novembre 2022, le pays a modifié son cadre légal pour permettre aux salariés de réaliser leur semaine de travail sur 4 jours au lieu de 5, à condition d’avoir l’accord de leur employeur, renouvelable tous les 6 mois. Pas de baisse de salaire, d’incidence sur la retraite, ni de réduction du temps de travail ne sont prévues. Ainsi, pour un collaborateur aux 38h par semaine (durée de travail hebdomadaire en Belgique), au lieu de passer 7h36 au bureau sur 5 jours, il s’agit d’effectuer quatre journées de 9h30. Un chiffre qui monte à 10h de travail pour celles et ceux ayant un contrat à 40 heures. Un mode de fonctionnement qui ne semble pas avoir pris : sur 5 millions de travailleurs d’entreprises de plus de 1000 salariés (soit 2% de l’emploi intérieur belge), seuls 0,45% avaient revu leur rythme hebdomadaire. Quant à savoir si cela est lié à un refus des entreprises ou des collaborateurs, la question se pose toujours. Interrogé sur le sujet, le porte-parole du ministre de l’emploi, Nicolas Gillard précisait : “Cette mesure est volontaire dans le chef du travailleur. Et elle ne peut être instaurée qu’après une procédure de concertation sociale au sein de l’entreprise et donc à la demande du travailleur. Nous pensons dès lors qu’il n’est pas anormal que la mise en place se fasse progressivement (ne fût-ce que pour respecter la concertation).”
Une optimisation des process. Pour accomplir la même charge de travail, managers et salariés doivent s’organiser pour gagner du temps. Parmi les cordes à leur arc : raccourcir les réunions, rationaliser les process et les tâches, optimiser les circuits décisionnels, mieux anticiper les charges, etc.
Des bienfaits pour la planète. Diminution des temps de trajet, de la consommation d’énergie... cette nouvelle répartition du temps de travail réduit aussi l’impact environnemental des entreprises et de leurs salariés. Un sujet majeur sur lequel les grandes entreprises françaises et internationales se sont engagées à agir lors de la COP 26. Ainsi, une étude suédoise a montré que lorsqu’une entreprise réduit de 20% son temps de travail, elle abaisse de 16% ses émissions de gaz à effet de serre. L’étude Stop the Clock l’a d’ailleurs démontré : « la généralisation des semaines de quatre jours permettrait de réduire l’empreinte carbone du pays de 21,3%, soit l’équivalent de l’impact du parc automobile du pays ».
Prudence est mère de sûreté nous dit l’adage. Cela vaut pour la semaine de 4 jours. La décision de la déployer ou non, ainsi que les manières de le faire doit être mûrement réfléchie et, surtout, prendre en compte les spécificités de l’entreprise. Pas de solutions sur étagère, ce qui fonctionne pour une entreprise concurrente et ses salariés sera peut-être synonyme d’échec au sein de votre structure. Auquel cas, les conséquences pourraient être désastreuses : burn-out, démissions, baisse de la rentabilité…
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